Coup d’éclat dans le paysage : une sortie qui fait l’unanimité

Les sorties d’albums, il en pleut chaque vendredi. Mais voir la presse musicale – souvent prompte à la dent dure ou à la surenchère d’hyperboles – se donner la main et applaudir l'œuvre d’un(e) artiste, ce n’est pas tous les jours. Ce mois-ci, le disque qui a mis tout le monde d’accord, c’est Laufey – Bewitched: The Goddess Edition. Un jeu de funambule entre jazz soyeux, pop de chambre et songwriting lumineux, propulsant sa créatrice sous les projecteurs internationaux.

Qui aurait parié qu'une islandaise à la harpe et à la voix de crooner hanterait les timelines et les playlists de fans comme de critiques ? Pourtant, depuis la sortie début juin 2024 de cette extension magistrale, le consensus est total : Laufey s’impose avec un album dont la douceur n’a d’égale que l’ambition.

Tour du monde des louanges : presse et plateformes sous le charme

La collection de distinctions parle d’elle-même :

  • Pitchfork découpe l’album d’un éclatant 8.4/10, saluant “la capacité rare à rendre hommage à Chet Baker tout en inventant un espace pop d'une modernité raffinée”.
  • The Guardian s’enthousiasme pour “la sensation de flottement, comme suspendue entre les univers de Norah Jones et de Billie Eilish, mais avec une plume qui cite Sondheim et Nina Simone”. Ce n’est pas tous les jours que la presse anglaise troque son flegme pour des superlatifs.
  • NPR, qui a invité Laufey pour une session Tiny Desk concert ayant accumulé 2,1 millions de vues en deux semaines (source : YouTube officiel), décrit l’album comme “le carrefour d’une jeunesse nostalgique et d’une élégance d’un autre temps”.
  • Du côté francophone, France Inter et FIP placent l’album en heavy rotation, notant “la grâce intemporelle qui réinvente le jazz pour la génération TikTok”.

Impossible de passer à côté du phénomène : #Laufey explose sur les réseaux, plus de 550 000 vidéos sur TikTok reprennent les extraits du disque (source TikTok), et les réactions soulignent toutes la même chose : une émotion en apesanteur, sans cynisme, sans formatage.

La recette d’un consensus rare : alliances musicales et souffle vintage

Le secret de cette unanimité ? Un savant dosage :

  • Sonorités : Un mix entre cordes classiques, nappes de harpe, touches de bossa et arrangements jazzy, mais avec cette limpidité de production qui claque comme un vinyle neuf sous l’aiguille.
  • Textes : Laufey s’adresse à la génération Z (mais pas que) en parlant d’amour, de doute, d’émerveillement sans pathos ni cliché. Pas de posture, juste de la sincérité et une écriture affûtée.
  • Travail d’équipe : Le disque accueille des invités triés sur le volet : Jacob Collier sur "Bewitched", une section cuivre affûtée sur "From the Start"... et un clin d’œil à l’arrangeur Vince Mendoza (connu pour ses collaborations avec Joni Mitchell), qui tisse des dégradés orchestraux du plus bel effet.
  • Production : Cory Wong (Vulfpeck) s’invite sur deux titres et apporte le groove, alors que Laufey autoproduit l’essentiel. Lucidité et maîtrise.

Des chiffres qui pèsent, des stats qui intriguent

Les chiffres, toujours utiles pour prendre la mesure du raz-de-marée :

  • L’album cumule 98 millions de streams en deux semaines sur Spotify seul (source : Spotify Charts, juin 2024).
  • #1 du Billboard Jazz Albums pendant 3 semaines consécutives.
  • Entrée directe Top 30 albums mondiaux IFPI, une première historique pour une artiste islandaise solo dans la catégorie jazz/pop (IFPI).
  • Vinyle sold out en moins de 48h sur les plateformes spécialisées (Discogs, Rough Trade...)
  • 250 000 nouveaux abonnés sur Instagram et 100 000 sur YouTube dans la même période, chiffres relayés par le management de l’artiste sur Music Business Worldwide.

Réactions à chaud : paroles de critiques et d’artistes

Quelques verbatims qui en disent long :

  • Alexis Petridis (Guardian) : “Il y a quelque chose d’envoûtant et d’universel dans ce disque, au point d’avoir réconcilié à la fois les puristes et les allergiques au jazz.”
  • Nate Chinen (NPR) : “Ce n’est pas juste une nostalgie bien embouteillée, c’est un futur classique qui donne envie d’aimer le jazz à tout âge.”
  • Clairo, chanteuse et compositrice, a partagé sur ses réseaux : “Quand j’écoute cet album, je retrouve l’émotion que j’avais à 17 ans et que je croyais avoir perdue.”

Les musiciens parlent à la hauteur du ressenti des fans : on a vu Anderson .Paak inviter Laufey lors d’un festival californien, expliquant face caméra “qu’elle a ramené le cœur, sans se soucier du format”.

Pourquoi la magie opère-t-elle ? Une question de moment

Une génération assoiffée d’authenticité, un engouement pour les teintes rétro, le grand retour de l’écoute attentive (avec la résurgence du vinyle et des salles à taille humaine), voilà un cocktail qui trouvait son écrin. Laufey n’est pas seule, mais elle cristallise l’attente d’un public prêt à sortir des carcans du stream zapping.

Le timing aussi joue : la hype du quiet luxury, cette volonté d’élégance discrète, l’album arrive à dialoguer avec les codes du jazz classique tout en collant aux tendances TikTok. Chose rare, les orchestrations séduisent aussi bien les experts que les profanes, alors que l’album n’a rien sacrifié de son ambition artistique au tapage numérique.

  • Le titre “From the Start” a été utilisé dans 31 campagnes publicitaires internationales en 15 jours (source : Universal Music Group), preuve que le disque traverse les frontières de la niche indie.
  • Plus de 120 reprises amateurs sur YouTube et Instagram Reels sont apparues, signal d’un élan collectif à la fois générationnel et planétaire.

Ce que nous apprend ce consensus : nuances et héritages

Unanimité ne rime pas ici avec formatage : le disque évoque tour à tour la new wave de jazz féminin (Yebba, Arlo Parks, Celeste), cite Ella Fitzgerald dans ses arrangements, et rappelle paradoxalement l’universalité de certains premiers Beck ou Norah Jones d’autrefois. Derrière le feutre du jazz, c’est une conscience pop qui émerge, et ce sont bien les hybridations et l’accessibilité moderne qui ont permis à Bewitched: The Goddess Edition d’enjamber les consensus critiques.

Quelques héritages qui s’imposent à travers ce disque :

  1. Redonner au jazz un pouvoir populaire et non élitiste
  2. Prouver que la nostalgie se conjugue au présent quand elle rime avec honnêteté
  3. Faire émerger une écriture générationnelle sans sacrifier le talent d’arrangeur

On retiendra de cette unanimité critique une promesse : celle que la beauté désarme, même à l’ère du stream accéléré. Et si la magie opère, c’est peut-être que Laufey, fidèle à son prénom de déesse nordique, a su trouver une faille dans l’algorithme – celle de l’émotion et du temps suspendu.

Pour continuer l’écoute : suggestions & ressources

  • Aller écouter sur scène : Laufey se produira à Paris (La Cigale) le 25 septembre 2024 – date déjà sold out.
  • Prolonger la découverte avec des artistes proches : Madi Diaz, Yussef Dayes, Rachael & Vilray.
  • Lire l’interview de l’artiste sur New York Times.
  • Vinyle et formats physiques disponibles chez Rough Trade (sous réserve de réassort).

Rendez-vous dans un mois pour une nouvelle montée d’adrénaline musicale… et d’ici là, tendez l’oreille : qui sait où se cache la prochaine unanimité ?

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